C'est désormais sous les couleurs rouge et blanche de la Fédération Internationale de Boules qu'il vit les compétitions internationales. Avec succès !
Voilà deux ans, il emportait une médaille de bronze en
double, avec Fabien Peyret, lors du Mondial masculin, Casablanca 2017. En Turquie, à Mersin, il a tout simplement fait tripler le compteur des médailles mondiales monégasques, avec une médaille de bronze en simple et une extraordinaire médaille d'or, obtenue avec Andy Garcia en double.
Il porte à cinq médailles internationales son compteur personnel, ayant gagné deux médailles avec l’équipe de France : l'argent en tir de précision et l'or en simple au Mondial -18, Lavelanet 2001. Trois semaines après un incroyable exploit, son interview nous permet de revenir sur ce délicieux moment.
Mersin 2019 : un Mondial historique pour la Fédération Monégasque de Boules |
Nicolas, quel Mondial !
Oui, les résultats de ce championnat sont tout simplement magnifiques !!! Ils sont historiques pour la Fédération Monégasque de Boules. A titre personnel, ils sont superbes quand on connait mes conditions personnelles.
Je partageais la chambre d'hôtel avec Alexandre Trichard, qui est également un ami. Avant le début de la compétition, je lui disais que, paradoxalement, je n'étais pas dans la meilleure de mes formes. Mais que j'avais un bon pressentiment pour la suite.
Tu as disputé deux épreuves : simple et double. Comment as tu vécu cela ?
Éric Lotto, notre sélectionneur m’a accordé sa confiance en simple. C'était une première pour moi dans un championnat du monde masculin senior et j’en étais très fier. Il avait de l’ambition pour moi et attendait une belle prestation de ma part dans cette épreuve. Autre première, il avait décidé de m'aligner dans l’épreuve du double, en position de tireur avec Andy Garcia.
>>> Lire aussi : "Comment avions-nous pu réaliser cet exploit ?", l'interview d'Andy Garcia à partir de ce lien.
Ce nouveau format à seize équipes était selon moi une belle initiative. Il allait offrir une belle densité et adversité, dès les phases de poules. Le spectacle sportif serait sûrement le grand gagnant, avec des surprises et de jolis scénarios à prévoir.
En interne, l’ambiance du groupe était excellente. Une belle fraternité a régné entre nous tous pendant la semaine. Chacun a apporté son petit plus, avec son caractère et sa personnalité. En externe, les conditions étaient très bonnes : un bel hôtel, un beau site, des jeux exigeants, un climat excellent. Toutes les conditions étaient réunies pour une belle semaine. Il fallait ensuite la réussir. Ce fut le cas !
"J'y ai gagné en sérénité dans mon jeu au point" |
Y-a-t'il eu des moments clés dans ton parcours à Mersin ?
Sportivement, le premier déclic est survenu dans ma seconde partie de simple, contre le Pérou. Cette victoire m’a apporté des réponses sur le plan technique, tactique et une confiance par rapport aux terrains de jeu.
J’y ai gagné en sérénité dans mon jeu au point, après deux défaites successives en phases de poules : en double contre la Serbie et en simple contre l'Argentin Guillermo Montemerlo. Deux défaites d'un point. Ce succès a été une clé pour la suite de la compétition : j’ai pu mettre en place mon style de jeu et prendre un certain ascendant psychologique dans les fins de parties.
Tu ramènes une médaille de bronze en simple, avec des prestations de qualité face à des adversaires tous redoutables. Satisfaction de la médaille ou regret de la couleur ?
Forcément, revenir d’un Mondial avec une médaille reste d'abord une belle satisfaction. Pour autant, je suis un compétiteur : une médaille d’un autre métal aurait été possible au regard de la qualité de jeu sur l’ensemble du plateau.
Mais je vais m’en contenter avec un grand plaisir : j’aurais pu rentrer sans podium en simple. En effet, le quart de finale contre l'Italien Davide Sari a certainement été la plus belle et la plus intense de cette épreuve. Le jugement final en a été prononcé à la dernière boule !
Tu t'inclines contre le futur champion du Monde ?
Ma défaite contre le Croate Marin Cubela en demi-finale est sans appel. Il a dominé la partie et le plus fort a gagné. Je suis seulement déçu de ma prestation. La partie s’est jouée en fin de journée. J’ai enchaîné juste après notre victoire en quart de finale en double avec Andy contre la sélection italienne.
Le Croate Marin Cubela vainqueur en simple
J’ai juste le regret de ne pas avoir réussi à rentrer pleinement dans la confrontation. Au terme de la partie, j’avais le sentiment de m’être plus battu contre ma fatigue nerveuse et physique, que contre mon adversaire.
Le scénario de la finale est juste exceptionnel. Je ne sais pas comment spectateurs et téléspectateurs ont vécu la partie. Sur le terrain, l’application des quatre joueurs était extrême et les émotions intenses. Je pense que cette partie restera dans les mémoires de beaucoup de personnes…
Pour le vainqueur, finir sur la mène ajoutée à but fixe, en frappant la boule de gagne : c'est tout simplement la plus belle des fins.
Une finale aux émotions intenses |
Tu réussis deux annulations décisives dans cette finale ?
En quart et en demi-finale, je crois ne pas avoir eu à tirer de but en défense. Avec Andy, nous avons développé un jeu assez défensif, peu exposé. Il pouvait être parfois moins spectaculaire, mais très usant pour l’adversaire sur des parties de 90 minutes.
Avant de débuter la finale, je m’entretenais avec mon Gilou, Gilles Campiglia, notre chef de délégation. Il me dit : « Nico, si tu veux être champion du Monde, il va falloir être fort sur les buts en finale ». Nous savions que le jeu des Argentins était plutôt offensif et très efficace sur courte distance. Par conséquent, nous n’avions pas le droit de nous laisser distancer pour espérer décrocher la médaille d’or.
Laquelle te semble la plus importante ?
Le tournant de la partie pour moi est clairement ma première annulation. La seconde est déterminante pour ne pas perdre. Mais le premier tir au but est de loin le plus difficile. Il m’a permis de rentrer pleinement et avec détermination dans cette finale.
A 2 à 3, l’échec nous aurait distancés des Argentins et ce retard au score nous aurait probablement été fatal. Ce tir réussi nous a permis de reprendre l’avantage au score dès le jet du but suivant. Après ma deuxième annulation, nous avons rien lâché avec Andy et la réussite a été de notre côté.
"... et enfin, la délivrance et le lâcher prise" |
Tu rates une première boule de gagne au point, avant d'avoir trois nouvelles opportunités de boucler cette finale ?
Paradoxalement, l’échec de ma première boule de gagne ne m’a pas beaucoup affecté. J’étais dans un état de concentration extrême et je me suis replongé directement vers la mène suivante. J’ai réussi mon lancer du but en longue distance. Andy a parfaitement entamé la mène. Ensuite, le scénario nous a été favorable : les Argentins ne reprennent le point qu'avec leur dernière boule.
Sur ma boule de gagne au tir, je n’ai pensé qu’à une chose : « Franchir la boule d’Andy qui était 40 cm devant l’objectif ». La frappe est réussie et, enfin, la délivrance et le lâcher prise !
Avec le recul, y a-t-il dans ton expérience internationale des expériences clés qui t'ont permis d'arriver à ce titre suprême ?
J’ai une expérience du haut niveau depuis pas mal de temps maintenant. Toutefois, je ne m'étais pas vraiment projeté à porter le maillot arc en ciel. Ni à remporter un titre sur ce Mondial Mersin 2019. Nous n’étions pas les favoris de la compétition avec Andy, il faut le préciser. Ce titre obtenu se résume principalement par le résultat d’une grande complémentarité sur le terrain et d’une belle intelligence de jeu.
Si je devais isoler une expérience internationale, ce serait ma victoire au championnat du monde -18 en simple, à Lavelanet (France) en 2001. En finale, j’étais mené 11 à 3 contre le représentant slovène avant de frapper un but d’annulation pour ne pas perdre. Au final, je gagne 13 à 12 au bout de deux heures de jeu. Cette compétition avait véritablement révélé mes qualités de compétiteur sur des grands événements.
La fibre compétitrice, une marque de famille chez les Laugier |
Comme ton partenaire Andy Garcia, tu as du avoir des pensées vers des personnes en particulier après l'obtention de ce titre ?
Je voudrais exprimer ma gratitude envers le Club Bouliste du Rocher et la Fédération Monégasque de Boules. Ils me font confiance et me permettent de pouvoir m’exprimer sportivement au plus haut niveau.
Une mention spéciale pour Éric Lotto et Gilles Campiglia, qui accompagnent ce parcours depuis quelques années maintenant. Un clin d’œil pour Fabien Peyret, Alexandre Trichard et Andy Garcia, avec qui j’ai tissé des liens d’amitiés. J'ai le plaisir de partager avec eux de belles aventures humaines et sportives.
En premier lieu, j’ai eu une pensée toute particulière pour ma mère décédée… C’était son anniversaire pendant la semaine de compétition, cela a rajouté beaucoup d’émotions pour moi. C’est un beau cadeau…Elle aurait été très fière de ce parcours… Elle m’a toujours soutenu et elle était ma première supportrice. Mes pensées sont tournées également vers mon grand-père Henri et mon père Roland. Ils m’ont transmis la passion du sport boules et la fibre compétitrice.
Je remercie le destin qui m'a fait croiser la route de Christophe Sothier. Il m’a fait découvrir le haut niveau à 16 ans, en me faisant signer à Saint Priest. Il a cru en moi. J’ai gagné mon premier National en quadrette avec lui. Surtout, il a été à mes côtés dans des moments compliqués et dans mon succès au championnat du Monde, en simple -18. Plus qu’un entraîneur et un coéquipier, c’est vraiment une belle personne : elle m’a permis d’arriver à ce niveau sportif. Merci Christophe.
Et j'aimerais aussi remercier un autre Christophe. Christophe Campiglia, pour son implication pour le sport boules, pour cette interview et pour son soutien. Je sais qu'il encourage systématiquement la sélection monégasque dans les différents rendez-vous internationaux.
Par quoi as-tu envie de terminer cet entretien ?
Je vis sur un territoire, sur une région où la pratique du « sport boules », « boules lyonnaise », « bocce », « jeu national », « grosse boule », « jeu de longue » disparaît et se meurt à grand pas. Peut-être faudra-t-il un jour déterminer un véritable « nom officiel et universel » à notre sport pour plus de clarté. Je me rends compte que les différents acteurs et instances politiques utilisent différentes appellations.
En 2019, monde de média, de communication et de consommation, les jeunes et les actifs ne veulent plus et n’ont plus de temps à perdre. Les personnes désirent un minimum de contraintes et un maximum de plaisir dans leurs loisirs sportifs et leur temps libre. Aujourd'hui, l’offre de loisirs sportifs est considérable. Dans ce contexte, un bon nombre d’activités physiques souffre de cette concurrence. Face à cette difficulté, le sport boules est en première ligne depuis de nombreuses années et son nombre de pratiquants chute continuellement .
Nous souffrons d’un manque d’identité et d’accessibilité, d’une mauvaise connaissance de nos épreuves et d’un problème de reconnaissance du grand public. La réglementation est toujours plus contraignante et en perpétuel changement. Nous n’exploitons pas réellement ou pas de façon efficace les différents moyens de communication moderne. Quand aurons-nous une réelle politique de communication grand public avec de véritables professionnels ?
Notre sport possède plusieurs épreuves : elles sont une incroyable richesse. A Mersin, quatre des six épreuves de référence étaient des épreuves individuelles : simple, combiné, tir de précision et tir progressif. Ces différentes épreuves nécessitent et développent des qualités très diverses entre elles. Elles permettent à chacun, sans distinction d’âge et de niveau, de pouvoir s’exprimer dans sa pratique, en suivant ses envies et ses possibilités.
Mais aujourd'hui, la situation est contradictoire. L’offre en événement est quasiment inexistante et l’accès à la pratique individuelle de ces épreuves impossible. Pour pratiquer tir rapide ou progressif, point ou tir de précision, combiné, simple, il faut en passer à ce jour par l'équipe, avec le championnat des clubs sportifs.
Quelles sont les raisons d'espérer ?
Le nombre d’associations diminue mais le maillage géographique reste assez dense. Cette force, il faut l’exploiter. Dans le cadre d'une politique de développement, ne serait-il pas le temps de faire connaitre notre sport et permettre à tout un chacun de pouvoir le pratiquer, pleinement et librement, à travers ces associations ?
Pour cela, il faudrait peut-être obligatoirement former, accompagner, structurer et surtout responsabiliser TOUTES les associations à la pratique des épreuves de leur sport et à l’accueil des profanes.